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Bombardier poursuivi après la mort de deux salariés exposés à l'amiante

Le groupe canadien Bombardier est poursuivi par deux familles de salariés morts à cause de l'amiante présente sur le site de Crespin (Nord) et comparaîtra devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes les 8 et 9 janvier.

En avril 2011, le père de Nacim Bardi meurt d'un cancer broncho-pulmonaire. La Sécurité sociale annonce quelques mois plus tard que le décès pourrait être lié à l'amiante et non à la sidérose, ou "maladie du soudeur", a déclaré à l'AFP M. Bardi, confirmant une information de la Voix du Nord.

En juillet 2012, c'est le tour du mari de l'autre plaignante de mourir. Tous deux étaient entrés dans l'entreprise ANF Crespin - respectivement en 1970 et 1974 - avant que celle-ci ne soit rachetée par Bombardier en 1990. "Dans le Valenciennois, toutes les grandes entreprises, que ce soit Vallourec, Alstom (...) ont reconnu que dans les bâtiments il y avait de l'amiante", rappelle M. Bardi. "C'est du passé maintenant". "Jusque-là, personne n'avait attaqué Bombardier pour ça, c'est une première pour nous, et pour eux", souligne-t-il.

Faute inexcusable ?

Nacim Bardi a rassemblé au cours des trois dernières années diverses preuves auprès de salariés de Bombardier vivant la même situation et a pu se faire indemniser par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Epaulé dorénavant par le Fiva, qui pourrait obtenir le remboursement par le groupe canadien des indemnités versées aux salariés concernés, M. Bardi entend faire valoir ces preuves auprès du juge afin que le constructeur canadien soit condamné pour faute inexcusable. "Un minimum" selon lui.

Le 13 juin, Bombardier a demandé le report d'une première audience devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valenciennes afin de préparer sa défense. "Si Bombardier n'envoie pas ses conclusions cette semaine, il y a 90% de chances que l'audience (des 8 et 9 janvier) soit encore reportée", estime M. Bardi. "Qu'ils assument... tôt ou tard ils assumeront", lâche-t-il.

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La Croatie, le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’UE

Cancer du poumon, cancer de la plèvre, asbestose, cancers de l’intestin et du rein, pathologies chroniques affectant les poumons et d’autres organes… Malgré ces maladies, la Croatie continue d’importer des produits comprenant de l’amiante. Ces derniers sont pourtant interdits par la loi depuis le 1er janvier 2006, une condition nécessaire pour l’accession de Zagreb au statut de membre à part entière de l’Union européenne.

D’après des documents de l’administration des douanes, certains produits contenant de l’amiante entrent sans problème sur le marché croate – ils sont même déclarés à la frontière ! Entre début 2011 et fin 2013, 5 834 tonnes de produits contenant de l’amiante seraient ainsi entrés en Croatie, dont 5 000 tonnes de plaques d’amiante pour les toitures, vraisemblablement importées d’Ukraine. Entre l’entrée de la Croatie dans l’UE (1er juillet 2013) et mars 2014, plus de 100 tonnes de produits avec de l’amiante ont passé la frontière croate, notamment des plaquettes de freins ou encore des tuyaux. Les autorités n’ont même pas jugé bon d’interdire l’importation de 75 kg de crocidolite raffinée, ou amiante bleu, un produit tristement célèbre depuis des dizaines d’années pour être le minerai le plus toxique du monde à l’état naturel. La cargaison a été dûment déclarée et soumise à des droits de douane.

Il y a trois ans, des experts mandatés par Bruxelles ont estimé que, d’ici à 2030 et pour la seule Europe occidentale, 500 000 citoyens allaient mourir des suites de leur exposition à l’amiante. Ayant anticipé ce phénomène, l’UE a donc décidé, il y a une dizaine d’année, avec les directives 1999/77/EC et 2003/18/EC, que ses États membres devraient, à compter du 1er janvier 2005, interdire toute production, utilisation, importation et même transport des produits contenant de l’amiante. Même avec une stricte application de ces règles, on estime que le nombre de personnes atteintes d’une pathologie liée à l’amiante devrait augmenter jusqu’à 2018, et que le nombre de nouveaux malades ne devrait commencer à stagner qu’après cette date.

Comment se fait-il que la Croatie ne se conforme pas aux directives en question ? En 2012 déjà, l’hebdomadaire Forum révélait que la Croatie avait, entre 2006 et 2012, importé 11 667 tonnes de produits contenant de l’amiante, dont 87 % en provenance d’États membres de l’UE. Ces importations étaient pourtant contraire aux lois croates, censées avoir intégré le droit communautaire. C’est que le règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH) comporte une faille : il n’oblige les membres de l’UE à interdire l’amiante que pour le marché européen. L’export vers un pays tiers, voire même la production de dérivés de l’amiante à destination de l’exportation, est donc parfaitement autorisé.

La Croatie, bien que candidate à l’adhésion, était précisément à l’époque un pays tiers, et les gouvernements de Slovénie, de Hongrie, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Espagne et d’Italie n’ont éprouvé aucun scrupule à nous livrer ces matériaux. Et la seule chose à avoir changé depuis que nous avons intégré la « famille européenne », c’est que nous importons ces substances de pays non-membres. H-alter a ainsi déniché quelques petites entreprises important régulièrement des plaques d’amiante depuis l’Ukraine. Leurs affaires semblent prospères, et ne s’inquiètent pas le moins du monde d’éventuels problèmes à la frontière – avec raison, notre douane ne faisant aucune difficulté. Pourquoi ?

Selon les autorités douanières, déterminer si les marchandises importées sont conformes ou non aux prescriptions sanitaires ne relève pas de leur responsabilité, mais de celle du Service d’inspection sanitaire aux frontières. Autrement dit, ce sont les inspecteurs sanitaires aux frontières qui autorisent ou non les douaniers à laisser entrer des marchandises toxiques ou dangereuses pour la santé. Or, l’administration des douanes est une agence du ministère des Finances, alors que le Service d’inspection sanitaire aux frontières dépend du ministère de la Santé. D’où la faille.

Dans les manuels sur les procédures aux frontières, les douaniers ne sont pas tenus d’informer les inspecteurs sanitaires, qui eux n’ont pas à inspecter les camions. Les deux entités ne communiquent pas, et c’est donc le conducteur qui devrait lui même déclarer qu’il transporte une cargaison inscrite sur la liste des produits chimiques interdits à la circulation du ministère de la Santé. Un scénario digne des Monty Python. Dans cette affaire, la Croatie ne respecte donc absolument pas le chapitre 23 de l’acquis communautaire qu’elle a formellement rempli – chapitre portant sur la solidité du système juridique, sur la lutte contre la corruption, sur l’État de droit et le respect des droits humains fondamentaux.

215 ouvriers de l’usine Salonit, à Vranjic, ont été diagnostiqués de l’asbestose, et les statistiques au sujet d’autres maladies de l’amiante sont aujourd’hui inexistantes. D’ailleurs, l’un des rares documents officiels au sujet des morts causées par l’amiante, c’est la liste des décès de la circonscription de Sveti Martin, à Vranjic. Sur une quarantaine d’années, environ 150 personnes sont décédés à cause de la « maladie de Vranjic ». Une situation tragique due le plus souvent à la corruption. Ainsi, en 2007, au cours d’un processus d’assainissement, des déchets cancérigènes ont été déversés sur le site de Mravinačka kava, dans une simple fosse résultant de l’exploitation de la marne. Rappelons que l’État avait déboursé pour cet « assainissement » pas moins de 111 millions de kunas (14 millions d’euros), et l’USKOK a, en 2010, incriminé Vinko Mladineo, jusqu’alors à la tête du Fond pour la protection de l’environnement.

L’UE a, quant à elle, lancé le processus d’interdiction totale de l’amiante dès 1976, et la justice européenne prévoit aujourd’hui des peines sévères pour quiconque y contrevient. Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne ont ainsi, il y a quelques années, été condamnés à Turin à seize ans de prison et 300 millions euros de dommages et intérêts à verser aux malades et aux familles de plus de 2 000 personnes ayant trouvé la mort suite à leur travail dans l’entreprise Eternit.

Pendant ce temps, en Croatie, personne n’a à répondre de l’empoisonnement de nos concitoyens. Ni l’État ni la justice ne semblent se soucier outre mesure de l’application de la loi. C’est ainsi que notre pays, seul marché pour les produits contenant de l’amiante au sein de l’UE, apparaît comme le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’Union.

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